Avant la fusion
Le 3 novembre 1973, la région du Témiscouata a connu une modification majeure dans son occupation du territoire en vivant sa première fusion avec la fondation de la Ville de Pohénégamook. Celle-ci regroupe les anciennes municipalités de St-Éleuthère, de St-Pierre d’Estcourt et de St-David d’Estcourt.
Le processus de fusion s’est échelonné sur 3 ans et c’est aussi l’une des premières au Québec. L’histoire de Pohénégamook débute donc à cette date, entraînant avec elle l’histoire respective de chacune de ces 3 municipalités.
St-Éleuthère
L’histoire de St-Éleuthère commence avec l’arrivée de messieurs Tom Fox et Ignace Nadeau en 1866. En 1873, 31 familles totalisant 200 habitants, étaient installées dans cette jeune colonie qui a dû faire face à des difficultés considérables à ses débuts afin de mieux survivre : la maladie, l’isolement, le climat rigoureux, les routes impraticables et les terres hostiles. Les colons s’adonnèrent au déboisement et l’abondance du bois fut mise à profit pour la construction des résidences et des premiers bâtiments de ferme. Toutes les activités entourant la forêt prennent une place très importante dans la vie économique de la région. Le commerce du bois devient le principal soutien financier à un point tel qu’en 1913, 11 moulins à scie opèrent afin de répondre aux besoins des habitants sans toutefois fonctionner de façon industrielle.
L’arrivée du chemin de fer aux premières heures du conflit mondial a été le moyen le plus efficace pour rejoindre les grands centres.
Au début des années 40, le Conseil municipal se préoccupe déjà du volet touristique de son territoire. Devant la fréquentation accélérée des plages du lac, on sollicita en vain des subventions gouvernementales pour l’aménagement d’une « plage modèle ». 10 années d’attente furent l’aboutissement de la percée d’une route du côté ouest du lac qui reliera le village à la « tête du lac » et favorisera ainsi la construction de chalets. Avec la venue des premiers Jeux du Québec d’été à Rivière-du-Loup en 1971, c’est le lac Pohénégamook qui a accueilli les activités nautiques de cet événement. Un club de golf fut implanté dans ce secteur dans les années 1990 et la plage municipale se développe, devenant la destination de plusieurs touristes à chaque année et la fierté du milieu.
St-Pierre d’Estcourt

Le premier colon à s’établir dans ce village fut monsieur Joseph Onésime Blier, en 1880, avec ses 7 garçons, fondant ainsi le Village Blier.
Ce village fut l’objet d’une grande bataille au point de vue religieux et territorial, étant situé à mi-chemin entre la municipalité de St-Éleuthère et la nouvelle colonie de St-David d’Estcourt (Sully). St-Éleuthère appartenait au diocèse de Québec et St-David d’Estcourt, au diocèse de Rimouski. En 1929, un décret émanant de Rome modifie la frontière entre ces 2 diocèses en détachant de la paroisse de St-Éleuthère, le territoire du Village Blier qui devint la paroisse de St-Pierre d’Estcourt. St-Pierre, en l’honneur de Pierre Blier qui fit de nombreuses démarches pour l’obtention de la nouvelle paroisse et Estcourt en l’honneur du commissaire anglais, Bucknall Estcourt d’Angleterre qui travaillait au service du gouvernement fédéral. Celui-ci avait le mandat de délimiter la frontière du Maine.
Vers 1906, un petit pont fut construit sur la rivière, reliant les rives des villages Estcourt et Blier. Cette structure permet aux citoyens des villages de se rendre à différents points de service.
En 1932, le trafic routier est détourné tel qu’actuellement, grâce à la construction d’un grand pont. Suite à cette construction, les autorités exigent que le petit soit démoli puisque celui-ci était jusqu’à ce jour, praticable par les automobiles et les voitures à cheval. Par contre, les résidents situés près de la frontière s’y opposent fermement. Une alternative est alors proposée en rétrécissant cet accès et en le réservant aux piétons seulement. C’est depuis ce temps que le petit pont fait parler de lui à cause de la contrebande d’alcool et de cigarettes et il a toujours été conservé, devenant un élément patrimonial qui trace l’histoire du milieu.

Pont international (Photo prise vers 1916)C’est un fait exceptionnel pour ce quartier d’offrir la présence de 3 ponts qui se côtoient pour franchir la rivière St-François soient : le petit pont international, le pont du Canadien National (CN) et le grand pont.
Une autre particularité appartenant à ce village est ce territoire qui trace la frontière entre le Canada et les États-Unis. Cet élément est tellement unique de par son tracé qu’il divise littéralement certaines résidences de manière à offrir des pièces de la maison du côté Canada et d’autres du côté des États-Unis. Grâce à la proximité de la forêt et aux droits de coupe au-delà de la frontière, de grands moulins à scie s’installent à Estcourt. En 1915, la Compagnie Fraser Limited employait jusqu’à 125 hommes qui travaillaient jusqu’à 8 mois par année.
En 1917, c’est la Compagnie Beaupré et Durette qui se lance dans la fabrication de dormants de cèdre. Plusieurs années s’écoulent et entre en scène un 3e associé, monsieur Raoul Guérette qui devient l’unique propriétaire en 1944. Il procure de l’emploi à plusieurs travailleurs jusqu’à ce qu’un incendie détruise ledit moulin en 1972, moulin qui ne fut jamais reconstruit.
Entretemps, en 1967, la Scierie Aimé Gaudreault Inc., propriété de monsieur J.D. Irving, fait son apparition et termine ses activités en 2006. Un moulin qui a fourni jusqu’à 200 emplois à des gens d’ici et d’ailleurs.
À partir de 1907, l’avènement du chemin de fer apporte à ces industries un moyen d’acheminer leurs produits à l’extérieur de la région. C’est aussi un levier économique important dans le transport de marchandises, de denrées alimentaires et de produits nécessaires à l’agriculture et à l’élevage du bétail.
Dans les années 1970, 2 secteurs d’activités économiques se distinguent particulièrement dont la foresterie et le tourisme.
La foresterie vit des moments pénibles qui fragilisent l’économie mais le tourisme prend fièrement la relève avec l’implantation de la Base de Plein Air et une notoriété sans égal pour la municipalité. Ce centre de plein air, devenu un lieu de villégiature (avec sa nouvelle appellation : Pohénégamook Santé Plein Air) connu internationalement, rayonne sur toute la région. Pohénégamook devient un lieu touristique au rythme des saisons.
St-David d’Estcourt
Débutant en territoire non organisé, le fondement en municipalité sous la désignation de « la partie nord-ouest du canton Estcourt » fut officialisé le 1er janvier 1916. Le 5 janvier 1920, le nom fût remplacé par St-David d’Estcourt.
En 1965, une requête fut transmise au Lieutenant-Gouverneur sollicitant la désignation officielle de « Municipalité de Sully », laquelle fut acceptée le 23 avril 1966. Cette appellation de Sully lui aurait été attribuée en mémoire du duc de Sully, baron de Rosny, ministre et ami d’Henri IV, roi de France. Une autre version nous laisse croire que l’appellation viendrait plutôt du nom du chef de division ayant supervisé la construction du tronçon local de la voie ferrée.
L’histoire de Sully commence donc en 1904. Le Crédit foncier établit 12 familles sur les bords de la rivière Providence, en pleine forêt. Cet organisme fit faillite et tous les colons doivent alors repartir. En 1912, la venue de nouveaux arrivants fournit une base importante de la population de ce village. Ils viennent d’un peu partout au Québec : Bellechasse, Kamouraska, St-Jean-de-Dieu, la Beauce et Montréal. Des gens du Nouveau-Brunswick viennent également s’y établir.

Malgré le fait que les familles sont au nombre de 10, 12 ou 15 enfants, la population ne dépassera jamais les 1 400 habitants. C’est l’entrée en service du chemin de fer qui favorise vraiment la colonisation de Sully mais plusieurs événements pénibles et de cruelles épreuves ont freiné son développement.
Le 13 juin 1923, un violent feu de forêt en provenance du Maine atteint le village. Aucune maison ne fut épargnée. Seuls les murs de l’église tiennent debout et plusieurs familles quittent la paroisse.
Les pionniers sont à peine relevés de cette épreuve que la crise économique de 1929 frappe de plein fouet. C’est leur courage et leur ténacité qui leurs ont permis de continuer de développer cette municipalité. Le curé David Chénard, avec sa détermination, se joint aux premiers colons. C’était un travailleur infatigable et totalement dévoué pour ses fidèles.
Son successeur, le curé Joseph Drapeau, songeait à ouvrir un orphelinat agricole. En 1928, on construit la Maison Notre-Dame-des-Champs appelée le Monastère. Les frères de Notre-Dame-des-Champs viennent s’y établir et participent à sa construction. Par la suite, c’est une trentaine de garçons qui y sont accueillis.
Cette institution avait pour mission d’éduquer des orphelins afin que ceux-ci s’établissent sur les terres. Après l’échec de l’enseignement agricole, les Clercs Saint-Viateur viennent aider à l’enseignement. Ils y développent un cours secondaire supérieur pour en arriver, au fil des années, à un cours secondaire général et scientifique complet. En 1981, l’institution devient l’École polyvalente du Transcontinental avec des options de mécanique et menuiserie pour finalement devenir l’École secondaire du Transcontinental dans les années 2000.
Depuis ses débuts, la petite localité a prospéré grâce à l’initiative et à l’ingéniosité des citoyens. On y construit une beurrerie, une menuiserie, une forge et plusieurs petits moulins pour le sciage du bois.
Monsieur Joseph Tardif construit un barrage sur la rivière Saint-François afin d’alimenter sa turbine pour son atelier de menuiserie. La crue des eaux de la rivière emporte son barrage à plusieurs reprises, mais la construction d’un second barrage de contrôle permet à son installation de résister. En 1932, il commence à alimenter le village en électricité. Sully est donc le premier village au Témiscouata où le service d’électricité est disponible et ce, plusieurs années avant le vaste programme d’électrification rurale mis de l’avant par le gouvernement du Québec. Monsieur Tardif exploite ce réseau privé pendant près de quinze ans, soit jusqu’en 1946, lors de l’arrivée de la « Québec Power ».
Ville de Pohénégamook
Sise à la frontière du Québec, du Maine et à proximité du Nouveau-Brunswick, cette situation géographique a façonné une partie de l’histoire de la région par les événements qui ont entouré le tracé de la frontière Canada-USA tels que le phénomène de la contrebande (bootlegging) et la construction du chemin de fer du Transcontinental.
Pohénégamook fut occupée à l’origine par les amérindiens (les malécites), pour qui l’appellation désignait : « endroit du campement, lieu de repos » parce qu’ils étaient à l’abri des intempéries des plaines du Saint-Laurent.
C’est en 1973 que cette population dynamique et généreuse de cœur a su relever le défi de l’unité et mettre en commun leurs efforts pour former une ville de grande vitalité. Une ville où il fait bon profiter du calme et de la quiétude tout en profitant d’une effervescence économique.
Depuis 1973, la Ville progresse au rythme des tendances économiques et touristiques. Des investisseurs visionnaires se sont pointés et ont mis à profit la beauté du lac et des montagnes pour convaincre les futurs citoyens à venir s’installer. Une nature qui nous a offert en héritage le gentil monstre du lac.